Que vit l'enfant dys?

 

En tant qu'enseignant, il est souvent difficile de se mettre dans la peau de nos élèves dys, de se rendre compte de ce qu'ils vivent.

Afin de vous y aider, voici un petit texte écrit par Régine Salvat, une fiction mais qui reflète beaucoup de témoignages lus et le vécu de son auteur. Ici, on parle d'un enfant dyspraxique.

 

 

« Petit bonhomme, il n’était pas téméraire comme son frère qui grimpait debout sur les chaises. C’est un enfant un brin maladroit, prêt à tituber pour une pichenette, capable de trébucher sur d’invisibles obstacles. Bien vite, il s’est désintéressé des jeux de ballon : les balles prenaient un malin plaisir à lui glisser entre les mains ou à le frapper en plein visage. Il n’aime pas le sport, pourtant il a voulu en faire ! Aussi malhabile qu’un tout petit, incapable de faire du vélo ou de courir sans zigzaguer au démarrage, il a pris sa dose de moqueries. Disons qu’il n’aime plus le sport…

C’est un gamin empoté dans nombre de tâches, de ces choses qu’on doit faire chaque jour, comme s’habiller ou manger. Veut-il se servir à boire et saisir une bouteille ? Un coup sur deux, il la bouscule, trop brusque dans ses mouvements. Elle se renverse, inonde son T-shirt et la table. Et si, par chance, il ne l’a pas renversée, il va verser la boisson à côté des verres, comme un môme de quatre ans. Ses parents parfois l’ont rabroué « Bon sang, fais attention ! Tu le fais exprès ou quoi ?! » Bien sûr, il ne le fait exprès mais comment expliquer que ses gestes le dépassent, incontrôlables souvent ? Il en est consterné, malheureux.

Il essaye de son mieux, se concentre, doit calculer chaque mouvement et ceci, personne n’en a conscience. Pas même lui, puisqu’il ne sait que chez les autres ces gestes sont devenus automatiques, appris en grandissant. Chose impossible, malgré tous ses efforts. Il a dix ans déjà… Parfois à l’école, certains le traitent de lavette ou gogol !

Parlons en d’ailleurs, de l’école et de sa vie parallèle. Avant, il faisait avec sa maladresse, elle était supportable en maternelle. Il avait le temps de jouer. Mais à l’école primaire, tout s’est compliqué.
Pourtant, ses parents se sont inquiétés tôt de ses problèmes à l’école. Il avait une institutrice attentive qui leur a parlé longuement. Une orthophoniste a fait un bilan, parlé de dyslexie. Elle a recommandé de voir une psychomotricienne. Plus tard, une équipe pédiatrique a fait un bilan, des examens et tests autres. Un neuropsychiatre a annoncé une « dyspraxie visuo spatiale ». Du coup, ça expliquerait qu’il soit aussi dysgraphique, dyslexique, dysorthographique. Ces mots sont compliqués mais il a compris qu’il ne fonctionne pas dans son cerveau et son corps comme les autres. Que ce n’est de sa faute et qu’on va l’aider.

Apprendre à lire fut un défi, il a encore du mal. Il déchiffre, perd le fil du texte, des mots, le sens. C’est sa mère qui lui lit à voix haute les consignes. Il va chaque semaine chez l’orthophoniste, des séances de travail dense. Depuis son CE2. Mais lire reste sacrée galère. Alors qu’il aimerait vraiment lire des livres d’histoire et d’aéronautique, ses deux passions.

Il va aussi chez une psychomotricienne, elle essaye de l’aider à percevoir les choses, à contrôler son corps, ses mouvements, et des petits gestes précis, si précis. Car parvenir à écrire est aussi épuisant, presque mission impossible. En plus, parfois il ne voit plus les espaces et les lignes. Les lignes s’entremêlent et son stylo ne veut pas lui obéir, il part en tous sens. Sans cesse, il s’applique. Mais rien à faire, à un moment les lettres fusent illisibles sur le papier, gribouillis moches.
Du coup, à un moment, il a été chez une graphothérapeute. En séances de graphisme, il appuyait si fort au début, la mine de crayon cassait ou trouait le papier. Il travaillait dur, il voulait réussir, mais après un moment, elle n’a vu que de petits progrès. Il n’a pu automatiser l’écriture, chez lui l’entrainement n’a pas permis de l’aider...Il reste dysgraphique. Les séances ont cessé.
Il doit encore écrire en classe. Quand il essaye, au bout d’un moment il est si crispé que parfois il en a des crampes. Il n’ose le dire devant la classe, on se moquerait qu’il aie mal à « juste écrire ». En plus, comment écouter, noter et apprendre en même temps ? Le pire est de recopier du tableau, c’est hyper compliqué. Mais pas que, en fait. Tout est « pire ».

Une année, il a eu une autre institutrice épatante. Elle aménageait beaucoup de choses, pas seulement pour lui. Elle le félicitait à chaque progrès. Il l’aimait beaucoup, il allait à l’école avec presque du plaisir. Puis il a eu une « affreuse », une femme dure qui l’obligeait à écrire, encore et encore. Plein de devoirs. Des punitions pas possibles. Et ces remarques « Il est temps de se mettre au travail ». Celle là, il l’a détestée. C’est l’année où il a eu une tendinite au poignet. Il a failli détester l’école.

Et l’instit, cette année en CM2, l’a déjà repris pour son travail sans soins. Elle a mis récemment un mot sur le cahier de liaison « Travailler l’écriture et le soin ». En rouge. Il a failli en pleurer mais a tenu bon, presque en colère cette fois. Sa maman l’a apaisé, a dit qu’elle expliquerait encore à cette instit. Le soir, il croit bien qu’il l’a entendue pleurer. Il a eu du chagrin pour elle. Il ne lui dira pas, il ne veut la peiner. Comme il ne lui raconte pas les croche-pieds en cour de récré, dans les coins où personne ne voit. Il doit rester fort mais…Fatigue et découragement, sa maîtresse n'a pas compris que déjà il travaille tant, depuis des années ? Surtout que ses parents lui ont expliqué ses difficultés.

Il va travailler dur encore, pour que ses parents soient fiers de lui. Et parce qu’il veut y arriver, comme tous les autres. Et rentrer au collège.
Cette année, c’est décidé : il va apprendre à taper sur un clavier d’ordi, il va aller chez une ergothérapeute. Encore des séances de plus. Il a demandé à ses parents de stopper la psychomot. Ils sont d’accord. Mais que vont dire les autres s’il se pointe avec un ordi ?

Lors d’une autre visite, deux ans plus tard, parce que vraiment il a du mal à progresser en lecture et même sur clavier, c’est un neuropédiatre qui l’auscultera. Et il annoncera que le garçonnet souffre en plus d’une ataxie probable. Est-il dyspraxique ou ataxique ? Ou les deux ? Comment faire pour continuer à l’école, pouvoir apprendre, être compris, avoir des aménagements ? Il faut croire que ce sera possible, parce qu’il est entouré, soutenu. Ses parents- sa mère surtout- se démènent. Et il parait qu’il y a des profs qui se démènent aussi, écoutent les conseils des pros, aménagent de leur mieux leurs cours au collège. Allons, il faudra y croire. Et ses parents aussi. »

 

Texte de Régine Salvat

 
 

 

 

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