SYNDROME ET/OU TROUBLES DYS EXECUTIFS

 

Le programme de votre journée était organisé, planifié mais un imprévu (panne de voiture) vient le bouleverser. Il vous faut trouver des solutions pour limiter l’impact de cet imprévu. Sans perdre vos moyens. Pour y parvenir, ce sont vos « fonctions exécutives » qui vont agir. Grâce à elles, vous mettrez en place des actions coordonnées, efficaces. Avec des priorités. Heureusement. Vous avez de suite appelé un taxi pour ne pas louper la réunion essentielle avec des clients (un coup à perdre votre boulot !).

 

Plan A : en attendant le chauffeur, vous avez joint une autre maman, pour déposer vos enfants (confiés in extremis, au cas où, à la voisine sympa) à l’école. Et ils ne vont pas être oubliés à la sortie d’école (car il vous sera impossible d’y être à l’heure) : vous avez joint un proche.

 

Plan B : si cette maman ne peut prendre vos enfants, vous avez déjà songé à une autre solution : le taxi déposera les enfants d’abord, quitte à être en retard à votre réunion. Mais vous avez aussi songé à joindre un garagiste pour réparer votre voiture très vite. Enfin, l’orthophoniste ne vous attendra pas en vain car vous la prévenez de votre empêchement. Votre taxi arrive, tout a été planifié. Vous serez efficace en réunion. Ensuite, vous pourrez joindre votre assureur pour avoir un autre véhicule. 
 

Autre situation : vous êtes épuisée, manque de sommeil et gros soucis…Du coup, chaque acte du quotidien devient ingérable, compliqué. Surtout en cas d’imprévu. Vous ne vous reconnaissez pas, vous si fonceuse d’habitude, à hésiter entre dix tenues à mettre en fonction de la météo, du rendez-vous du jour…Vous perdez un temps fou à ne pas savoir par où commencer. Vos fonctions exécutives sont (temporairement) défaillantes, initier une tâche simple comme vous habiller, faire des choix selon les circonstances, devient impossible. C’est stressant, épuisant. Un cercle vicieux.


Vous faites tous les jours le même trajet pour vous rendre au travail. C’est devenu un automatisme, à tel carrefour, vous tournez à droite. Ce matin, vous devez vous rendre dans un autre lieu mais « tout bêtement », par réflexe, vous tournez à droite au carrefour alors que la direction à prendre est autre. Vous n’avez pas inhibé cet automatisme, pas assez concentré sur votre nouvel objectif ? Ou vous avez oublié de régler votre GPS pour ce nouveau trajet, une anticipation nécessaire ? Mais vous rectifiez votre erreur en décidant, bien sûr, de faire demi-tour dès que possible. Sans vous mettre en danger, ni autrui.


En classe, c’est un enfant intelligent qui aura appris sa leçon, il la connait par cœur. Il s’est entrainé et a compris les exercices réalisés à la maison. Mais le jour du contrôle ou lorsqu’il est interrogé, malgré ses connaissances, il ne parviendra pas à résoudre un nouveau problème, à mobiliser de façon adéquate ses connaissances, parfois il ne commencera le travail demandé, comme perdu.

 

D’autres fois, dans un nouveau contexte d’exercice, il répondra « à côté » de la question posée. Ou ne saura trier des éléments de texte pour faire une synthèse.


Cet autre enfant, entre la théorie et la pratique ne sait pas faire de lien, comprendre le but de l’exercice. Il ne saura planifier des étapes non écrites de façon explicites dans l’énoncé. Et quel matériel utiliser, comment l’utiliser ? Il ne sait pas mais il ne songera pas à demander de l’aide car même ce simple acte fait partie d’une stratégie de travail, doit être planifié.

 

ROLE DES FONCTIONS EXECUTIVES


Les fonctions exécutives ont un rôle central d’adaptation volontaire à des situations nouvelles, complexes ou imprévues.


Elles dépendent de structures situées dans les zones frontales et préfrontales du cerveau, qui travaillent en réseau avec d’autres aires cérébrales pour les gérer et les réguler dans leurs usages (mémoires, langage, gestes volontaires ou praxies, reconnaissances visuelles ou gnosies). On parle de fonctions transversales intégratrices qui pilotent et coordonnent chaque tâche, vers un résultat précis. Elles ne sont pas spécifiques mais travaillent en lien étroit avec les fonctions dites spécifiques et des aires cérébrales associatives.


On utilise volontiers l’image d’un chef d'orchestre dans le cerveau, capable de diriger des groupes de musiciens aux rôles spécifiques pour jouer un morceau de musique. Si le chef d’orchestre est absent ou saute des partitions, les musiciens ne pourront jouer en harmonie, parfois ce sera la cacophonie. S’il est présent mais si un groupe d’instruments ne joue pas, joue faux ou en décalage, le chef d’orchestre essayera de s'adapter et de trouver des ressources avec les autres instruments.

 

DEVELOPPEMENT DES FONCTIONS EXECUTIVES, interactions cérébrales.


Ce sont des fonctions innées qui vont mettre des années à se mettre en place, via des réseaux de neurones qui vont peu à peu travailler en interaction. Il existe une véritable maturation cognitive de l’âge de 4 ans à environ 12 ans qu’on peut objectiver via des tests et épreuves (statistiquement).Elles continueront à se complexifier jusqu’à l’âge adulte.
Elles impliquent un degré de contrôle volontaire (conscient) cognitif et comportemental, une attention mobilisée de façon soutenue pour élaborer puis suivre une stratégie de gestion d’une situation nouvelle jusqu’à sa résolution.
Ainsi, les fonctions exécutives nous permettent de gérer nos actes en contrôlant notre pensée, pour atteindre un objectif précis, sans en perdre le fil de « A à Z ». Elles organisent un acte de réflexion, de raisonnement et/ou d’action en impliquant divers processus cognitifs. Elles sont centrales dans tous les apprentissages, situations nouvelles par définition, dont les apprentissages scolaires.

 

DIVERSES APPROCHES DES FONCTIONS EXECUTIVES 


MODELISATION DE LEZAK ( 1995) Elaboration stratégique de l’action en 4 phases.
Après analyse de la situation et du contexte il faut pouvoir:


1) INITIER la tâche (la volition) :


- Capacité d’initiative, décider par quoi, comment la commencer.
- Formuler des objectifs réalisables


2) PLANIFIER la tâche, c’est-à-dire élaborer un plan d’action par étapes cohérentes :


- Analyser et sélectionner les données initiales 
- Organiser leur usage pour atteindre le but (séquencer les étapes)
- Hiérarchiser avec des priorités
- Gérer des délais, approche temporelle
- Concevoir des alternatives (plusieurs possibles ou non)


3) EXECUTER l’action vers un but non routinier :


- Mise en œuvre, supervisée de façon volontaire et non automatique
- en tenant compte des facteurs environnementaux


4) CONTROLER sa réalisation:


- Apprécier la qualité du résultat, l’efficacité des actes
- Corriger ses erreurs, pouvoir modifier sa stratégie
Ces diverses étapes impliquent une tâche exécutive dite de haut niveau, des fonctions intégratrices dites transversales où sont impliquées d’autres fonctions et compétences :
- Les fonctions spécifiques cérébrales (langage, praxies, gnosies)
- -les fonctions de mémoire
Rôle permanent de la mémoire de travail (MT) sollicitée pour focaliser l’attention et maintenir les données à utiliser durant toute la tâche.
Rôle majeur de la mémoire épisodique qui va sélectionner les connaissances. Importance des capacités d’encodage et des stratégies de récupération des souvenirs en lien avec le contexte.
- Le système attentionnel
Pour inhiber les facteurs de distraction durant la tâche
Pour suivre le plan jusqu’à sa réalisation complète

 

MODELISATION DE MYAKE (2000) Sous-systèmes exécutifs ?


On ne sait pas s’il existe plusieurs sous-systèmes exécutifs indépendants qui contrôlent les autres fonctions ou un seul système central qui contrôlerait diverses fonctions exécutives et spécifiques.


1) Système d’INHIBITION


- Supprimer les informations non pertinentes ou inutiles dans un contexte. Parvenir à trier les données. Ou inhiber des réponses automatiques, apprises, routinières, dans un contexte. 
- Inhiber des sources de distraction, des interférences.


2) Flexibilité mentale


- Capacité de changer de stratégie si nécessaire, de corriger ses erreurs, de les repérer.
- Capacité de passer d’une tâche à une autre, de façon appropriée, selon un contexte.
- Produire un flux d’idées cohérentes dans un contexte, suite à une question simple.


3) Mise à jour ( updating)


- Directement liée à la mémoire de travail, possibilité de remplacer immédiatement une information jugée inutile, non pertinente, par une nouvelle information entrante (trouvée dans l’énoncé ou déduite).
- Capacité à modifier une approche, des données, en fonction d’’un nouvel élément.

 

SYNDROME DYS EXECUTIF, TROUBLES DYS EXECUTIFS, quelles différences ?


1) SYNDROME DYS EXECUTIF et syndrome frontal :


C’est le chef d’orchestre présent dans ces zones cérébrales qui est défaillant. Il ne va pas parvenir à diriger ses groupes de musicien, à coordonner ses ordres et consignes vers les diverses aires cérébrales. Par exemple, il proposera sans cesse le même morceau, incapable de changer de partitions (manque de flexibilité), d’improviser.
Il appartient au groupe du « syndrome frontal » décrit chez des patients avec des lésions neurologiques frontales, préfrontales ( et sous corticales), post accident, par exemple. Ce syndrome existe chez des enfants, dès la naissance. L’atteinte est globale sur diverses fonctions exécutives.
Un diagnostic par des spécialistes avertis est nécessaire.
L’intelligence et la compréhension sont présents mais nombre d’apprentissages seront difficiles avec des difficultés à initier des tâches, à les planifier, à mettre en place des stratégies de travail, à inhiber des automatismes, à terminer la tâche. L’orientation scolaire et professionnelle devra tenir compte de ces atteintes car les moyens de compensation sont quasi impossibles. Des aménagements avec aide humaine seront nécessaires. L’autonomie restera limitée, il faudra en tenir compte dans un projet de vie. La mise en place de routine est souvent nécessaire pour gérer le quotidien.

 

2) TROUBLES DYS EXECUTIFS, une galaxie de troubles imbriqués.


Le chef d’orchestre est présent mais il a des soucis à gérer certains groupes de musiciens. Interpréter telle symphonie sans les violoncellistes sera complexe mais cependant possible, avec des aménagements sur la partition pour les violonistes. Ainsi, toute tâche exécutive étant corrélée aux diverses fonctions cognitives spécifiques (mobilisation et tri des connaissances, mémoire immédiate et de travail, langage, praxies, gnosies etc ...) il en découle qu'un enfant atteint de troubles dys et/ou tda aura des difficultés exécutives, spécifiques ou plus globales, on parlera ici de troubles des fonctions exécutives. Les enfants dyspraxiques, les dysphasiques, sont concernés, de façon discrète ou nette, selon la sévérité de leur trouble. Dans une moindre mesure, les enfants dyslexiques ? Les enfants souffrant de troubles du spectre autistique ( TSA) sont également concernés.
Les enfants présentant des troubles de l’attention, avec ou sans hyperactivité ( TDA/H) seront toujours concernés, l’attention et la mémoire de travail étant des fonctions nécessaires dans la réussite de tâches non routinières, donc dans tout apprentissage, dans la résolution de problèmes, dans l’analyse et la planification.

 

IL N’EXISTE PAS UN MAIS DES SYNDROMES ET TROUBLES DYS EXECUTIFS SELON LES SYMPTOMES OBSERVES

 

1) SYNDROME DYS EXECUTIF COGNITIF ( selon Grefex)


L’initiation de l’action, l’attention soutenue, la coordination des tâches sont impactés.
On observe des atteintes spécifiques de :
- l’inhibition des réponses automatiques et atteinte de l’attention focalisée.
- difficultés de déduction et de génération de règles.
- trouble du maintien et du shifting ( déplacement) de règles.
- déficit de génération d’informations et de stratégies.
Impact sur les processus mnésiques stratégiques et de la planification, impact sur la résolution de problèmes.
La résolution d’un exercice scolaire demandant l’analyse des données, une synthèse, une démarche démonstrative, la proposition d’hypothèses sera difficile.

 

2) SYNDROME DYS EXECUTIF COMPORTEMENTAL ( selon Grefex)

 

Il entraine une inadaptibilité sociale et des troubles émotionnels comportementaux.
- Soit hypoactivité (apathie, absence de spontanéité). L’enfant est considéré comme non motivé, en retrait, indifférent, paresseux.
- Soit hyperactivité globale (désinhibition, impulsivité, distractibilité). L’enfant est considéré comme immature, mal élevé, perturbateur volontairement, paresseux.
- Persévérations ( TOC, troubles obsessionnels compulsifs), comportements stéréotypés.
- Syndrome de « dépendance environnementale » (imitation de comportements , même inadaptés car impossibilité de replacer dans le contexte donné, utilisation automatique d’objets même s’il est demandé de ne pas le faire).

 

DIAGNOSTIC DES TROUBLES DYS EXECUTIFS


Le diagnostic doit être confirmé par un médecin neurologue ou neuropédiatre qui recherchera les causes des symptômes observés. En effet, de nombreuses causes médicales et pathologies peuvent entrainer des troubles ou un syndrome dys exécutif. Parfois l’origine est dite « constitutionnelle » lorsqu’aucune cause médicale avec lésions visibles n’est retrouvée.
Le diagnostic est évoqué par un neuropsychologue, à l’aide d’épreuves et de tests étalonnés, adaptés à l’âge du patient. Ce sont le plus souvent des « tests de stratégie » ou d’élaboration d’un concept mais aussi comportementaux. Cette liste n’est pas exhaustive.
- WCST
- California Sorting Test
- Tour de Londres/Hanoï
- Similitudes ( WAIS)
- Résolution de problèmes


Exemple :Pour le problème «Il y’a 18 livres sur 2 étagères. Sur une étagère, il y a deux fois plus de livres que sur l’autre étagère. Combien y’a- t’il de livres sur chaque étagère ? » Le patient effectue les deux opérations suivantes: «18*2=36; 36+18=54». Il n’a pas intégré la donnée de départ, soit 18 livres au total.


- Test de BRIXTON
- Estimations cognitives
- Labyrinthe de PORTEUS
- Reproduction Figure de REY
- Tests de préhension, d’utilisation, d’imitation.

 

PRISES EN CHARGES THERAPEUTIQUES

 

1) COGNITIVES ET COMPORTEMENTALES


Elles font appel à des séances de thérapies comportementales et de remédiation cognitive proposées par des neuropsychologues et visent à jouer sur les diverses composantes mises en jeu dans les syndromes dys exécutifs. L’un des exercices type proposé est la mise en œuvre d’une recette de cuisine, bien sûr non connue du patient. Cet exercice implique :
- STRATEGIE qui permet d’effectuer le choix des moyens les plus appropriés pour atteindre le but attendu.
- PLANIFICATION, c.à d. créer un plan d’action avec agencement et ordonnancement temporel de priorité des différentes étapes à suivre pour mettre en place une stratégie.
- MAINTIEN DE L’ATTENTION, celui-ci permet de suivre le plan jusqu’à sa réalisation complète.
- FLEXIBILITE MENTALE, composante nécessaire pour s’adapter au plan d’action en fonction de contingences environnementales, capacité à rectifier une erreur.
- INHIBITION, capacité à résister aux interférences et à renoncer à un comportement inadapté ou automatique.

 

2) MEDICAMENTEUSE


Nous n’aborderons les diverses alternatives médicamenteuses, plus souvent destinées à « résoudre » des troubles comportementaux,sauf dans le cadre des TDA/H.
Si le diagnostic de trouble de l’attention est avéré, un traitement à base de méthylphénidate, dont l’administration est strictement réglementée, peut être proposé par un médecin.
Ce traitement va jouer sur les composantes cognitives de type attentionnel dont la mémoire de travail. Il ne va pas agir sur les composantes comportementales de type TOC ou impulsivité, de façon directe.

 

CONCLUSION :

 

 

Les troubles dys exécutifs observés chez des enfants atteints de « troubles spécifiques du langage et des apprentissages » ( TSLA ou troubles DYS) ainsi que chez des enfants présentant des troubles du spectre autistique (TSA) correspondent à des symptômes secondaires au trouble initial diagnostiqué. Ils peuvent être de degré fort variable, absents, discrets ou parfois sévères.

Ils vont se répercuter dans la gestion du quotidien et dans les apprentissages scolaires.

Cependant, en prenant en charge le trouble spécifique et en l’absence de lésions frontales, préfrontales ou sous-corticales, on peut espérer une compensation de ces troubles.

Des aménagements du quotidien et scolaires pourront atténuer leurs répercussions en permettant de mieux mobiliser l’attention, par exemple.
Les enfants souffrant de TDA/H manifesteront de façon discrète ou sévère des troubles dys exécutifs et parfois un syndrome dys exécutif cognitif et comportemental important.

Certains praticiens incluent les troubles dys exécutifs comme une expression clinique des TDA/H ( cf le Dr Michèle Mazeau, / « Le syndrome dys exécutif chez l’enfant et l’adolescent », Editions Elsevier).


Régine Salvat

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Carte réalisée par Françoise Chée
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