Les troubles dys et spécifiques des apprentissages dont les TDAH concerneraient un grand nombre d’enfants. De 5 à 10 % d’entre eux, selon les études menées et les
divers troubles actuellement considérés.
Est-ce un effet de mode comme le prétendent certains, à grands renforts d’arguments « anti dys » ? Ou est-ce une réalité médicale comme l’affirment d’autres, dont il
faut tenir compte lors de la scolarité de ces enfants ?
En effet, pourquoi y aurait-il « tout soudain » une flambée d’enfants concernés par ces troubles ?
La question est d’importance, car il s’agit de reconnaître ou non l’existence de troubles cognitifs divers comme des entités neurologiques à part entière, une
approche qui va décider des aménagements à mettre en place en milieu scolaire et des prises en charge au quotidien pour les élèves. Et surtout permettre de les considérer, de les soutenir et les
accompagner, de reconnaître l’existence d’un handicap selon les répercussions du trouble.
Ma position est simple, celle d’un membre du corps médical, biologiste de formation : ces troubles, tels que compris actuellement, découlent d’atteintes neurologiques
précoces et leur existence ne dépend pas de théories fantaisistes souvent d’obédience psychanalytiques, vues de l’esprit, mais bien de raisons scientifiques argumentées.
Plusieurs facteurs expliqueraient l’augmentation des enfants dépistés :
- l’étude scientifique du système nerveux (neurosciences) progresse à pas de géant grâce à des découvertes récentes liées aux nouvelles technologies. Biologie et
biochimie moléculaire, génétique, imagerie cérébrale - pour ne citer que ces domaines en neurologie- permettent de mieux comprendre les rôles et interactions des diverses aires cérébrales, leur
embryogénèse, les facteurs intervenant dans leur fonctionnement en réseaux neuronaux.
On observe de nouvelles approches neuropsychologiques, dites cognitives, où l’usage de l’imagerie cérébrale dynamique révolutionne les approches et la compréhension de ces pathologies.
Ainsi, on « diagnostique mieux » ces troubles et surtout on peut parfois en identifier les causes, en comprendre les mécanismes, dans une approche médicale rigoureuse et scientifique. Mais bien
souvent, on ne retrouve pas pourquoi un enfant présente des troubles spécifiques des apprentissages.
- L’hypothèse génétique familiale est avancée. Car on observe effectivement une incidence forte de troubles dans des fratries, chez des ascendants et colatéraux . Des
études génétiques familiales sont en cours : il n'existerait pas un gène unique impliqué mais un "ensemble de gènes", ce qui explique la variabilité d'expression de troubles.
- le nombre de naissances de grands prématurés dont le développement « anténatal » va se poursuivre en couveuse, le nombre de grossesses tardives et de grossesses
assistées médicalement a explosé depuis quelques années. Or, on le sait aujourd’hui, ces situations sont des situations à risque d’atteintes neurologiques, du fait d’une maturation neurologique
perturbée hors utérus pour les grands et très grands prématurés dont les réseaux de neurones vont se développer "autrement". Des études sont en cours concernant les enfants nés par PMA, il est
impossible de savoir actuellement l'incidence des procédés de congélation ( et autres) sur le développement cognitif ultérieur des enfants concernés. La question est cependant posée.
- D’autres facteurs, environnementaux, doivent être considérés mais l’étude de l’impact des pesticides et autres polluants (métaux lourds) se révèle complexe ( et «
d’accès difficile ») . L'impact des "perturbateurs endocriniens" durant la grossesse est étudié, dont sur les fonctions thyroïdiennes. Il est certain qu’ils jouent un rôle toxique à faible dose dans
le développement du système nerveux dont des structures cérébrales durant la grossesse et pour certains, ont des actions mutagènes possibles.
Aujourd’hui, il existe un consensus médical qui reconnait ces « troubles stables à début précoce » des fonctions cognitives, troubles dits « spécifiques ». On les dit
« stables » car on exclut de ce groupe d’atteintes les maladies neurologiques évolutives. On les dit « précoces » car les atteintes concernent le cerveau immature, à la période précédant la
naissance.
Ce sont des pathologies neurologiques du développement qui toucheraient électivement une fonction intellectuelle :
- le langage oral (dysphasies)
- le langage écrit (dyslexie/dysorthographie)
- la perception des nombres et/ou logique mathématique ( dyscalculies)
- le développement spatial et des gestes volontaires (dyspraxies)
- les troubles de l’attention et des fonctions exécutives (trouble déficitaire de l’attention, syndrome dys-exécutif)
- les troubles de la mémoire (déficit de la mémoire de travail etc…)
Remarques :
Un enfant peut souffrir de un ou plusieurs de ces troubles dits « spécifiques ». Etre et dysphasique et dyspraxique. Ou dyslexique et dys-exécutif. Ou TDAH et
dyspraxique,etc…
Chacun de ces troubles peut découler de causes médicales différentes. Et le symptôme « dyslexie » peut découler de mécanismes neurologiques divers, tout comme « une toux » peut être le signe d’une
grippe, d’une coqueluche, d’une tuberculose ou d’une insuffisance cardiaque, impliquant des traitements différents. Ainsi, le terme « dyslexie » n’est pas un diagnostic en soi, il existe divers
mécanismes possibles empêchant l’accès à une lecture fluente. Il est souvent symptôme d’un autre trouble spécifique, secondaire à une dysphasie ou à une dyspraxie visuo spatiale, ou à un trouble des
fonctions exécutives ou de mémoire de travail, ou neurovisuel ou…
Sont exclus de ces troubles dits « spécifiques », du point de vue médical, les Troubles du spectre autistique TSA qui sont globaux, impactant sur plusieurs fonctions
et secteurs mentaux, ainsi que les déficiences mentales
Et là se pose une autre question : ce symptôme « arbre » peut-il cacher un temps la forêt non encore explorée ou invisible à un âge donné ?
On touche à des domaines d’une telle complexité…
Pour ma part, mais ce n’est que mon avis, le meilleur dépistage n’explique pas à lui seul l’augmentation observée du nombre d’enfants concernés. Des enseignants
exerçant depuis plusieurs dizaines d’années réalisent ce constat : par classe, ils ont plus d’élèves touchés. Est-ce vraiment parce que leur nombre a augmenté, est-ce parce « qu’avant », on ne les
retrouvait sur les bancs des collèges et lycées ? Mais ces enseignants qui témoignent enseignent aussi en école primaire…
Quoiqu’il en soit, ces troubles sont une réalité neurologique et vous l’aurez deviné, je réfute l’effet de mode sur lequel surfent des sceptiques aux idées arrêtées pour des raisons idéologiques qui
m’échappent totalement.
Important : ces troubles sont à différencier des difficultés d’apprentissage d’enfants confrontés à un contexte socioéconomique ou familial particulier. Ils sont
médicalement diagnostiqués.
Ils demandent des approches pédagogiques adaptées, des aménagements et outils spécifiques accessibles, des prises en charge ciblées. Toutes démarches nécessaires pour permettre à des enfants
intelligents, emplis du désir d’apprendre, de suivre une scolarité dans de bonnes conditions et de révéler leurs potentiels.
Régine Salvat.
PS : Vous l’aurez compris à la lecture de ces quelques points, poser le diagnostic « de troubles dys et troubles spécifiques des apprentissages » est une démarche
souvent complexe qui demande l’avis de spécialistes compétents dont des médecins neurologues, neuropédiatres, des médecins pédopsychiatres. D'autres professionnels vont participer au diagnostic . Il
existe, pour les situations complexes, des Centres de Référence des Troubles du Langage et des Apprentissages.
Régine Salvat, biologiste médicale.