De 2 à 7% des enfants dont 0,5 à 1% sévère, 2/3 de garçons
« Assi ame », murmure la petite en posant un bisou sur sa joue, tout sourire. Pourtant, elle vient de lui faire des misères, un bilan sanguin. Elle avait si peur en arrivant (et sa maman aussi, qui voulait absolument un docteur pour réaliser l’acte…) Pourtant ce n’est pas « parce qu’elle est docteur » qu’elle a pu expliquer, communiquer avec l’enfant, la rassurer…mais bien parce qu’elle connait ce trouble aux nombreuses conséquences : la dysphasie. Avec l’enfant, elle a montré, mimé chaque geste, lui aa fait toucher le garrot, le coton d’abord sec puis froid, alcoolisé. Elle a doucement serré son bras, d’abord avec ses doigts puis posé le garrot. Et toujours elle a parlé, face à son regard, lentement, des phrases courtes, reformulées. Pour expliquer ce moment douloureux que serait la piqûre, elle s’est pincée, elle a grimacé, dit « ouilouilouilou, aië » puis soufflé, montré l’apaisé de sa main ouverte, à plat. Sans bouger…Et que sais-je encore ? Il fallait qu’elle comprenne pour ne pas paniquer. Pari gagné, tout s’est bien déroulé. Il y eut ce « assi ame » pour son « merci madame ». Et l’émotion si forte de cette maman, son « Merci docteur. » avec des larmes dans ses yeux. Son enfant cumulait dysphasie expressive et dysphasie réceptive.»
La dysphasie, c’est avant tout ce problème, celui de communiquer !
On l’observe tôt, fort tôt. L’enfant semble ne pas entendre et/ou comprendre, son langage sera des ébauches de mots, ou il répètera des mots parce qu’il n’a pas compris, comme en écho…A l’école
maternelle, il se mettra en retrait ou piquera des colères. On entendra dire « Et s’il était autiste, TED ou déficient mental ? »
Il aura aussi parfois du mal à interpréter un langage corporel car il ne pourra pas l’associer aux mots employés : rire nerveux, rire moqueur, rire de joie ? Ce groupe d’enfant rieur, il
aura cru que c’était amical, il va rayonner de joie…loin de se douter qu’on se moquait de lui.
Il existe divers types de dysphasies, nombre de classifications selon les signes cliniques et les types d’expressions verbales observés.
Il existe autant de type de dysphasies que d’enfants concernés…
La dysphasie réceptive
C’est lorsque, en présence de bonnes capacités à entendre les sons (il n’existe pas d’atteinte de l’oreille interne ni de l’aire cérébrale
« d’entente » des sons), la compréhension du langage est affectée, c’est à dire que l’enfant éprouve de la difficulté à comprendre ce qu’on lui dit, à bien recevoir le message codé des
mots, à l’associer à une image cérébrale. Il n’y a pas de surdité due à l’oreille, intacte, mais bien un décryptage (décodage) du sens des sons-mots dans le cerveau qui fait « comme une
surdité ».
La compréhension de tout ce qui est « parole » sera difficile car associer un sens à un son sera complexe. En entendant « cheval » , il ne verra pas le cheval,
cérébralement.
La dysphasie expressive
C’est lorsque l’expression du langage est affectée. L’enfant éprouve de la difficulté à s’exprimer, il parlera en « sabotant » les mots, il aura du mal à trouver les mots appropriés, justes, il fera des confusions de sons donc les mots ne seront pas reconnaissables. Ses phrases seront bancales, il ne parviendra pas à se faire comprendre des autres, sauf de ses proches qui décoderont son langage. « Si tiqué …je suis fatigué. »
La dysphasie mixte
Les volets réceptifs et expressifs sont touchés. Ainsi l’enfant éprouve de la difficulté à s’exprimer et à comprendre ce qu’on lui dit.
On parle aussi de dysphasie :
- phonologicosyntaxique :
C’est la plus fréquente.
L’expression est touchée, des troubles praxiques sont souvent associés (dont buccaux, articuler
est difficile), style « télégraphique ».
La compréhension est bien préservée, très supérieure à la possibilité de s’exprimer :
« Ceval galope forêt »
- lexicosémantique ( mnésique)
Le manque de mots est important (le lexique cérébral), leur usage à bon sens est touché.
Le langage est pauvre, fait de phrases courtes (truc, machin) ou juste
« sujet-verbe-complément ». Ou encore « oiseau » pour dire « poule ».
La prononciation est correcte.
- sémantique pragmatique
C’est « utiliser le bon mot, la bonne phrase » qui sera difficile dans un contexte donné (réponse « à côté de la plaque »). Une phrase longue sera mal interprétée.
Donc les consignes non séparées ne seront pas comprises.
Expressions mal comprises, à reformuler.
Les notions abstraites seront difficiles à appréhender.
Les repères spatiaux et temporels sont touchés ( conjugaison difficile).
Il existe d’autres formes, l’hétérogénéité clinique est importante.
Diagnostic médical
L’approche est complexe, pluridisciplinaire.
Exclusion d’un déficit mental.
Il faudra exclure une surdité ou certaines maladies.
Exclure un Trouble Autistique.( TSA) et les TED.
Diagnostic différentiel avec une dyspraxie bucco faciale.
Le diagnostic sera pluridisciplinaire, orthophonique ET médical, avec un bilan neuropsychologique qui prouvera l’intelligence par des tests non verbaux.
La prise en charge sera essentiellement orthophonique. Avec mise en place d’aides VISUELLES le plus souvent (mimes, signes, pictogrammes).
Et à l’école ?
L’enfant devra sans cesse se concentrer pour essayer de comprendre ce qui est dit. Communiquer par de courtes consignes, les reformuler sera essentiel. Et parler
lentement, répéter, savoir patienter pour lui donner le temps de trouver les mots, de s’exprimer.
Lui fournir les leçons : le temps qu’il saisisse son début, l’enseignant est déjà bien plus loin dans son cours.
Aides visuelles, bien sûr. Il existe des méthodes d’apprentissage de la lecture visuelles.
Et permettre à l’enfant d’entrer dans la lecture et l’écriture, surtout. Ce sera une aide immense, indispensable.
Car environ 50 % des enfants dysphasiques apprennent à LIRE !
La maitrise de la langue n’est pas automatisée, s’exprimer et comprendre demande une attention énorme et l'enfant fatigue très vite. Il y a forcement de la lenteur…avec une immense envie d’apprendre.
Dr Régine Salvat