Dans cet article, nous vous proposons des exemples illustrant les diverses dyscalculies. Pour approfondir et découvrir les prises en charge et aménagements possibles, des liens sont proposés en fin de page. A noter, tous les signes évoqués dans les exemples décrits coexistent de façon plus ou moins importante.
Nathalie est une jeune femme intelligente et dynamique qui cache du mieux possible son secret.
Elle est incapable de faire l’appoint pour payer, ne parlons pas de rendre la monnaie. Remplir un chèque manuellement, à partir d’un montant énoncé lui est impossible, vive les cartes bancaires ! Les soldes n’ont pas de sens pour elle, une réduction de 30 % ne veut rien dire. Elle a un mal fou à être à l’heure à un rendez-vous, incapable de calculer le temps qu’il lui faudra pour s’y rendre. Elle ne saura pas plus calculer sa consommation d’essence pour prévoir un trajet sans risque de panne sèche. Les trajets sont compliqués, elle s’est déjà trompée de numéro de bus. Dans une rue, pour trouver une adresse et son numéro, elle galère. Impossible de repérer si le numéro 62 est avant ou après... euhhhh... le 68 selon le sens où elle remonte la rue. Et avec le côté impair, parfois elle se trompe et se perd. Ne parlons pas de réussir une recette de cuisine, la recette et les quantités à utiliser sont un méli mélo de volumes et de poids. Convertir des ml en cl, même avec calculatrice, elle mélange. La mousse au chocolat sera un pavé compact ou à boire. L’autre jour, elle a acheté un meuble en kit à monter, ce fut mission impossible, le mode d’emploi lui était inaccessible.
Nathalie est dyscalculique et personne ne s’en est inquiété lorsqu’elle était enfant, sauf pour lui dire qu’elle ne faisait pas d’efforts en calcul, étourdie ou nulle… Elle souffre d’un « trouble spécifique primaire » d’origine cérébrale, un trouble cognitif, où la perception des quantités et des nombres est altérée. Son intelligence est normale et l’environnement éducatif était présent dans son enfance et pourtant…
Nombre d’activités du quotidien font appel à la notion de nombre, de quantité, aux chiffres et au calcul. À des démarches et raisonnements mathématiques. C’est dès l’enfance qu’il est possible de repérer une dyscalculie. On en distingue (de façon schématique) deux groupes :
- dyscalculie primaire, dite développementale :
La perception, normalement innée, des quantités et donc des nombres est altérée. Il s’agit d’un « trouble spécifique des apprentissages » qui toucherait 3% de la population (dont 0,5% avec dyscalculie profonde).
- dyscalculies secondaires, découlant d’un autre trouble cognitif.
Dans ces situations, la perception des quantités et des nombres par les aires cérébrales dédiées n’est pas directement touchée mais d’autres causes vont altérer leur « juste » perception et leur utilisation. Il existe aussi des altérations possibles de l’acquisition des « procédures mathématiques ».
On retrouve ces dyscalculies chez des enfants dyslexiques ou dyspraxiques ou dysphasiques mais aussi TDA/H ou dys exécutifs.
Comprendre et repérer le trouble responsable de ces dyscalculies sera important pour mettre en place des prises en charge adéquates. Les stratégies ne seront pas toutes similaires selon la cause de la dyscalculie. Des professionnels orthophonistes (logopèdes) sont spécialisés dans ce domaine spécifique.
DYSCALCULIE PRIMAIRE
En maternelle, Antonin n’a pas pu repérer, dans un ensemble de jetons, le plus grand et le plus petit groupe. Il les voit, il peut les toucher mais qu’il y en ait 6 ou 2 ne lui évoque rien, il ne peut pas évaluer leur quantité. Plus grand, il ne pourra pas classer les nombres par ordre croissant ou décroissant. Cette notion n’existe pas pour lui.
Si on lui demande d’empiler 4 cubes, il empilera en comptant au fur et à mesure jusqu’à 4. Mais il n’aura pu d’abord choisir ces 4 cubes directement parmi plus.
Plus tard, passer d’un nombre d’objets qu’il voit, à leur lecture symbolique en chiffre ne signifiera rien. Le chiffre 3 ne correspond à rien. Aucun chiffre de 1 à 9, d’ailleurs. Et encore moins des nombres. Du coup, les calculs les plus simples comme l’addition de 5+2 seront quasi impossibles. Il connait par cœur des comptines numériques, peut réciter dans l’ordre de 1 à 10 et même plus. Mais calculer, c’est autre chose. Pour calculer 5+2, il va essayer de s’aider de ses doigts. Pas avec 5 doigts tendus auquel il va en ajouter 2. Non… Il va commencer par 1 doigt qu’il tend auquel il va ajouter le second jusqu’à atteindre 5, à voix basse. Puis là, zut… Il devra décomposer le chiffre 2 en 1 doigt puis 2 doigts. Et se retrouvera perdu. Voir ses 7 doigts tendus ne lui donnera pas la réponse.
Il a sans problème appris par cœur ses tables de multiplication, les récite juste. Car son langage oral et sa mémoire ne sont pas impactés. Mais les utiliser de façon judicieuse sera peine perdue lors de calculs complexes. Ne songeons pas aux fractions, ½ ou ¼, il ne peut voir de différence, même avec un schéma.
De façon évidente et logique, il ne pourra ensuite résoudre des problèmes. La notion de nombre est le fondamental nécessaire en tous domaines des mathématiques.
Et dans d’autres domaines, comme en histoire, compléter une frise chronologique sera défi ardu. Au quotidien ? Se référer au temps, heure, jours, saisons et années lui complique ses journées…
DYSCALCULIES SECONDAIRES
Benoit, dyspraxique
En maternelle, Benoit peut repérer et donc classer les groupes de jetons de quantité différente… sauf si leur nombre est proche. Un groupe de 4 jetons et un groupe de 5. Ces 5 jetons à compter, il en comptera 4, ou bien 6 et parfois 5. Comme s’il ne savait pas compter. En fait, sans s’en rendre compte, son regard en oublie un, ou au contraire, compte par deux fois le même. Il a une atteinte de la « stratégie du regard », liée à sa dyspraxie, la coordination de ses muscles oculaires est incorrecte. Il est dyspraxique visuospatial. Sa vision est impactée. Quand il doit relier par un trait un ensemble d’éléments (6, par exemple) au chiffre correspondant, il hésite, a du mal à tracer le trait et du coup, peut se tromper et le relier à un autre chiffre. S’il voit son erreur, sa correction est sale, emplie de ratures.
Compléter un tableau à double entrée ? On peut quasi affirmer qu’il n’y parviendra pas. Les lignes et les cases s’entremêlent, il mettra un temps fou à les repérer. S’il y parvient.
Plus tard, réussir des calculs sera complexe, car d’abord, en lisant les nombres et en les recopiant, il fera l’omission ou l’inversion d’un chiffre : 528 deviendra 58 ou 582… Et en fait, ensuite, il ne pourra pas poser les nombres en colonnes sans les décaler. Une dizaine deviendra une centaine. Et son opération sera fausse. Alors qu’il connait les procédures opératoires. Et que dire de la lecture des signes, les + et -, les > et < et les parenthèses ? Un bel imbroglio pour son regard…
Quand il abordera la géométrie, le défi sera double : pouvoir maîtriser les gestes fins pour tracer les figures et mesurer des angles. Parvenir à voir correctement, en représentation mentale, la figure.
La compréhension logique d’un raisonnement mathématique lui est accessible, il peut trouver « par quelle donnée commencer ». À la condition qu’on lui lise l’énoncé et/ou qu’on en présente chaque élément de façon visible. Car là aussi, lors de la lecture de l’énoncé ses yeux vont en perdre des fragments (mot ou ligne). Il n’aura plus de sens. Parfois, il loupera l’une des questions intermédiaires et la suivante perdra tout sens.
Chloé dyslexique (trouble du langage écrit) et Dylan, dyphasique (trouble du langage oral).
Tous deux souffrent d’un trouble du langage.
Chloé a eu du mal à reconnaître certains chiffres, elle les confond en lecture ou va mal les retranscrire en dictée. Du coup, ses calculs seront faux, avec un 3 vu et lu 8 ou un 6 écrit 9. Lorsqu’elle lit, elle hésite, revient en arrière, déchiffre certains mots. L’énoncé devient fragmenté, elle saute un mot, parfois une phrase. Il perd tout sens, son attention étant focalisée à déchiffrer le texte… On pourra l’aider en lui lisant à voix haute mais aussi en lui présentant le texte agrandi, chaque élément ou étape bien séparés, « à la ligne ». Car aussi, quand elle essaye de lire, elle ne peut anticiper comme d’autres, repérer chaque élément important et déjà cheminer vers le « comment résoudre ce problème et quoi garder en mémoire. »
Pour Dylan, ce sera double peine avec sa dysphasie réceptive. Il ne pourra pas retenir la comptine. Associer les sons à un chiffre est ardu, alors écrire un nombre comme « 1492 » est un défi. Il faudra l’aider par des images et repères visuels pour « simplement compter ».
Quant à lire et comprendre l’énoncé d’un problème, c’est d’une complexité telle, il se retrouve confronté à des écueils proches de ceux observés chez Chloé… sauf que pour lui, lui énoncer oralement ne pourra pas l’aider. Par contre, il pourra être guidé par des schémas et une reformulation de l’énoncé.
Erwan TDA et dys exécutif
Mémoriser implique de pouvoir maintenir une attention soutenue mais aussi d’avoir une « mémoire de travail » efficiente. Cette mémoire travaille dans l’immédiat, c’est celle qui permet de restituer quand on l’entend, un numéro de téléphone, par exemple. Qu’on oublie très vite ensuite, après l’avoir noté. Mais on est parvenu à le retenir, le temps de l’écrire. Lorsque cette mémoire de travail est touchée, très vite l’énoncé donné est « envolé », oublié. Ce peut être dans la minute qui suit… ou même les secondes.
Apprendre les tables de multiplication lui est difficile, il ne peut pas les retenir : quand il essaye de les réciter, à un moment il ne sait plus où il en est. Du coup, les « encoder » en mémoire à long terme sera quasi impossible.
Un syndrome dys exécutif va aussi impacter toute tâche nouvelle. Erwan a travaillé, révisé et compris la démarche de l’exercice de mathématiques travaillé à la maison. Mais lorsqu’un autre exercice, avec un changement minime dans l’énoncé, pourtant basé sur la même notion mathématique, est à résoudre en classe, il se retrouve perdu. Il ne peut le résoudre, ne saura pas comment commencer, initier le travail. Il a une atteinte de flexibilité cérébrale, il ne peut s’adapter à la modification de l’énoncé. Par contre, quand on lui détaille, il va comprendre chaque étape du raisonnement. S’il n’est pas trop long.
Et pour d’autres, trouble primaire ou secondaire ?
On vous dicte « mille cinq cent soixante huit », à écrire en un nombre. Réponse : 1568
Mais cet élève va, très appliqué, écrire :
10005100608
Exactement comme il l’a entendu, un « mot à mot » parfait retranscrit.
EN CONCLUSION, il importera de poser un diagnostic de dyscalculie et de sa cause afin d’adapter les prises en charge à son origine. Car si un enfant "n'est pas doué en maths", ceci n'implique pas forcément une dyscalculie.
Une prise en charge orthophonique sera toujours recommandée après un bilan orthophonique qui explorera s’il existe un trouble du langage oral et/ou écrit associé ou responsable des écueils rencontrés en mathématiques.
Pour affirmer un trouble spécifique des apprentissages, il sera nécessaire de poser un diagnostic d’exclusion d’une autre cause neurologique ainsi que d’une déficience mentale. Ainsi, c’est un médecin qui confirmera le diagnostic, s’appuyant sur divers examens médicaux et sur les bilans de professionnels dont un bilan neuropsychologique.
La prise en charge sera souvent pluridisciplinaire, les dyscalculies primaires isolées étant rares.
Régine Salvat
DYSCALCULIES LIENS
Dyscalculie développementale primaire
http://www.persee.fr/doc/rfp_0556-7807_2005_num_152_1_3362
Dyscalculie (La Recherche- neurosciences)
http://www.unicog.org/publications/MolkoWilsonDehaene_Dyscalculie_LaRecherche2004.pdf
Dyspraxie-dyscalculie
http://www.dysmoi.fr/dyspraxie-et-notions-mathematiques/
Dyscalculies et troubles dys
http://www.dys-positif.fr/dyscalculie/
Ressources ( logiciels-ouvrages-vidéos)
http://dyscalculie.over-blog.com/